Creully sur Seulles - Souvenirs de la place de Creully grâce à l'objectif de René Lemars.

Le centre du bourg de Creully est en pleine rénovation c'est l'occasion de vous présenter une photo de René Lemars prise en 1952. En bas à droite, les pompes à essence de l'épicerie Mesnil, le départ de la rue de Tiercevile encors boisée, l'hôtel Saint Martin avec seulement trois arches en façade et les anciennes halles qui deviendront une salle de spectacles avec son cinéma.



 

Creully sur Seulles - 1944 - Les souvenirs de Marcel Madelaine.

Son livre


Marcel Madelaine a vécu le dernière guerre et a mis sur papier ses obervations et ses ressentiments pour en faire un livre. 

A la Médiathèque de Mémmoriall de Caen j'ai retrouvé le manuscrit. En voici deux extraits relatant la commune de Creully.

DIMANCHE 16 JUILLET 1944 -

Cette nuit, j’ai dormi comme un loir. Je crois rêver, ne plus entendre le bruit des éclatements d’obus, de la canonnade, enfin la tranquillité, je n’ose y croire, la guerre pour moi est finie.

Au petit-déjeuner : thé - petits gâteaux - fruits. C’est impeccable, ensuite c’est un médecin anglais qui vient faire mon pansement ; dans ce domaine-là aussi ils sont bien organisés. Il me place sur le mollet un pansement complet, autocollant, d’une seule pièce, puis série de piqûres. Derrière lui arrive un officier qui parle un français correct. Il ne peut nous garder ici et nous propose deux solutions ; soit on nous évacue par avion en Angleterre, soit on nous dirige sur BAYEUX où il pense que les Services hospitaliers de la ville peuvent nous accueillir. Après réflexion, j’opte pour BAYEUX, ce sera plus facile pour retrouver la famille.

Creully sur Seulles - Les souvenirs de Marcel Madeleine.
Marcel Madeleine (encerclé)

Ce midi, le déjeuner est aussi copieux qu’hier soir et aussitôt après, en route, des ambulances militaires nous attendent à la porte et au revoir CRESSERONS. A côté de moi, se trouve une bonne sœur caennaise, elle est amputée d’une jambe. Les routes sont aussi encombrées qu’hier c’est impensable la quantité de matériel qui roule, aux carrefours nous attendons parfois près d’un quart d’heure pour passer, à REVIERS, c’est pire encore. Avant d’arriver à CREULLY, il y a dans les champs sur des hectares du matériel de toute sorte, chars, camions, canons, hangars, campements militaires. A Creully, nous sommes arrêtés pendant plus d’une heure sur la place du pays, il y a une animation comme sûrement cette petite bourgade n’en avait jamais connu. Il n’y a aucune destruction par ici. Quelle chance ils ont eu. Enfin nous partons pour BAYEUX, première ville fran­çaise libérée. 

 Autre note

Lorsqu’après avoir quitté La Bon Sauveur dans des conditions dramatiques le 15 juillet 1944, l’ambulance anglaise qui nous conduisait à BAYEUX s’arrêta une bonne heure sur la place du Marché de CREULLY. J’étais loin de me douter que je rencontrerais le Général MONTGOMERY deux ans plus tard, dans ce même petit bourg à la limite du Bessin où mon frère et moi-même, à la demande de Monsieur Ed. PAILLAUD, Maire de Creully, avons créé une petite entreprise d’électri­cité générale.

Recevant en JUIN 1946 le Général Montgomery (devenu entretemps MARECHAL), Madame de DRUVAL, propriétaire du Château de CREULLET, où MONTY installa son P.C. très vite après le débarquement, nous demanda de remettre en état l'installation électrique dans deux chambres destinées au Maréchal et à son Aide de Camp, ce qui fut fait.

A peine les deux hommes étaient-ils rentrés dans leurs chambres respectives pour y passer la nuit, qu’une explosion retentit dans celle du Maréchal. Aussitôt, son aide de camp, pensant à un attentat, appela au secours les gendarmes qui étaient de garde à l’extérieur du Château. Branle-bas de combat, tout cela pour peu de chose ; il n'y avait pas eu d'attentat, mais tout simplement deux ampoules élec­triques que nous avions fournies, avaient explosé et c'est ainsi qu'allant les remplacer, mon frère et moi fîmes connaissance du Général MONTGOMERY qui était en petite tenue - caleçon long et chemise de nuit - . Il avait très bien pris la chose et en riait (chose très rare paraît-il). Très en verve, il nous raconta que quelques jours après avoir installé son P.C., vers le 10 ou 12 JUIN 1944, un matin très tôt, il faisait une promenade à pied en solitaire, derrière le château, quand soudain deux soldats allemands surgirent d’un petit bois proche… ; ces soldats voulaient simplement se rendre, ils n'avaient pas mangé depuis une semaine. Montgomery ajouta qu'il fut sûrement le seul Général d’Armée à faire tout seul deux prison­niers ennemis en pleine bataille.

Dans la magnifique entrée du Château, il y avait un grand tableau supposé être le portrait de Guillaume le Conquérant et le Général Montgomery se comparait à lui en disant : ” Guillaume est allé conquérir l'Angleterre et moi descendant d'un de ses compagnons, je suis venu reconquérir la Normandie.

Creully sur Seulles -Quand les habitants de Creully passaient le bac...

Mille souvenirs reviennent quand je vois ces gens qui ont accompagné mon enfance.
Passage du bac pour traverser la Seine.
Merci à Jocelyne

L'histoire ou la légende des terres de Jérusalem à Juaye-Mondaye

Entre Bayeux et Tilly-sur-Seulles, vous traverserez le hameau du Douet de Chouain, situé sur les communes de Chouain et de Condé-sur-Seulles. Dans ce hameau se trouve un petit cimetière militaire britannique appelé "cimetière de Jérusalem". Il abrite les tombes de militaires britanniques tués durant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi JERUSALEM ? Certaines de ces tombes ont été déplacées. Les soldats avaient été initialement inhumés près du Douet de Chouain, sur la commune de Juaye-Mondaye, en un lieu appelé "Jérusalem".

Le village de Couvert

À environ deux lieues au sud de la ville de Bayeux s'élevait un pays, primitivement
couvert d'arbres, d'où lui est venu son nom de Couvert, qui aurait été jadis une véritable forêt et un bois sacré où les Druides se livraient à leurs rites mystérieux et sanguinaires.

Cadastre de 1830 – En 1857, Couvert avec Juaye, Bernières-Bocage deviennent Juaye-Mondaye

Les Romains, après la conquête des Gaules par Jules César, y fondèrent une cité que les habitants appellent encore aujourd'hui la ville de Baccaïe. Ils racontent beaucoup de choses extraordinaires sur l'étendue et le commerce de cette prétendue ville.

De fait, il paraît certain qu'il y eut là une exploitation rurale d'une certaine importance et peut-être un village romain. On y a trouvé, en effet, des pièces de monnaie à l'effigie des empereurs Claude et Marc-Aurèle qui gouvernèrent l'empire romain au Ier et au IIème siècle après Jésus-Christ. On a découvert également des tuiles romaines à rebords, des cercueils en pierre fort anciens.

Sainte Basile (Bazile)

Mais l'événement qui contribua surtout au développement et à la célébrité de cet endroit fut le martyr de sainte Basile qui, convertie au christianisme, brûlait du désir de communiquer sa foi et de conquérir des âmes à Jésus-Christ. Enthousiasmée par les récits des missionnaires envoyés dans les Gaules et animée sans doute d'une inspiration divine, elle résolut de se rendre dans les Gaules afin de partager leurs labeurs et leurs mérites.

Ruines de l'église de Ste Bazile à Juaye-Mondaye

La Providence la conduisit dans ce pays de Couvert. Les conversions qu'elle opéra furent si nombreuses et si merveilleuses qu'elle attira contre elle la haine des païens. Elle ne tarda pas à être dénoncée au proconsul romain. Comme celui-ci, dans un but de conquête, tenait à pacifier les esprits en protégeant leurs fausses divinités, elle fut arrêtée et contrainte d'adorer les idoles. Après les interrogatoires et les sommations d'usage, le proconsul, usant des pouvoirs discrétionnaires dont il était revêtu, et trouvant toujours Basile inaccessible à ses promesses comme à ses menaces, ordonna son supplice pour le lendemain.

Les terres de Jérusalem

Une partie du territoire de ce village porte le nom de « Jérusalem ».

Une histoire racontée dans la contrée tenterait de nous expliquer ce nom de Jérusalem à Couvert.

Les châtelains de Tilly – Véroles (2)

Non loin de là, plus au sud, une seigneurie venait de naître au sein du village de Tilly – Véroles (Tilly sur Seulles). Il a donné le nom à l'illustre maison de Tilly qui porte pour armes : d'or à la fleur de lys de gueules. Les châtelains de Tilly ont tenu un grand rang en Normandie ; ils avaient la qualité de second bachelier de ce duché.

L'un d'eux, Henri de Tilly, né dans le village en 1135, châtelain de Tilly, était également seigneur de Fontaine-Henry. Henri de Tilly fut en quelque sorte le créateur même du village et le premier constructeur du château. Le fils de Guillaume de Tilly était, au XIIème siècle, un seigneur avec lequel il fallait compter. Son père, grand sénéchal de Normandie, avait épousé une Magneville, de la famille des comtes d'Essex. Il épousa Gondrède de Montbray de la famille des comtes de Sussex. D'abord baron de Nerwod au droit de sa mère, il perdit cette baronnie pour avoir quitté le parti du roi Jean sans Terre en faveur de Philippe-Auguste. Il se retira alors à Fontaine-sur-Thaon qui devint Fontaine-Henry.

La croisade

À la fin du XIe siècle, une foule nombreuse de Chevaliers Normands dont un « de Tilly » prit le chemin de Jérusalem au sein de la première croisade. On dit que le seigneur de Tilly en ramena des moutons (3) de la race mérinos qu'il trouva en Asie Mineure.

Henry de Tilly

Henri de Tilly avait une vénération profonde et la confiance la plus entière, comme de nombreux châtelains Bas-Normands, dans les Chevaliers du Temple. Dans son testament (4) devant l'Abbé d'Ardennes, il donne aux Templiers son palefroi, sa cuirasse et toute son armure de Chevalier, avec une somme de 40 livres de monnaie d'Anjou.

Henri de Tilly possédait entre autres un haras, une collection d'animaux rares, des moutons et des chèvres de Séville, etc. De tout cela, il fait des legs en faveur des lieux saints et des abbayes normandes, sans en oublier une. Ce point nous intéresse car il précise un leg à l'abbesse de l'abbaye du Cordillon (4).

L’abbaye du Cordillon (5)

Elle fut fondée par Guillaume de Soliers qui fut seigneur châtelain de Lingèvres au milieu du XIIe siècle. Le village de Lingèvres est situé non loin de Couvert au sud-ouest. Ainsi, des moutons à tête noire de races morinos se retrouvèrent sur des terres appartenant à l'abbaye du Cordillon près d'une petite fontaine dont les eaux retrouvent la rivière « Seulles » à Condé sur Seulles. Les habitants de Couvert appelèrent ces ovins sous le nom de « moutons de Jérusalem » car ils étaient issus de ceux ramenés lors de la première croisade par un châtelain de Tilly, de Fontaine-Henry.

2 - Le nom de Tilly est d'origine gallo-romaine ; il vient de Tiliatum: les tilleuls. Il fut réuni à Verroles (Verrulæ, l’endroit où poussait du bois à balais, c'est-à-dire des bouleaux et des genêts).

3Le mouton de la race mérinos trouve son origine en Asie Mineure. Il fut introduit en Afrique du Nord par les Phéniciens puis implanté en Espagne à la fin du XIIème siècle par les Maures. 



4 - Le testament de Henri de Tilly, , seigneur de Fontaine- Henry, au XIIIème siècle, est une pièce très curieuse. Il fut fait en présence de Robert, abbé d’Ardennes. C'est dans ce testament que l'on voit noté l'abbaye du Cordillon.

 5 – L’abbaye du Cordillon sur le territoire de Lingèvres.

Creully (Creully sur Seulles) - L'évolution des latrines du château médiéval


Ici, latrine dépassant des murs, principe des toilettes médiévales. Rejets dans le fossé
Ci-dessous, latrine médiévale d'après Viollet-le-Duc.

Pièce construite en extérieur
Les latrines sont aménagées à l'intérieur






Creully sur Seulles - Une découverte lors des travaux de la place de Creully...

 La place de Creully est en plein travaux pour lui donner un nouvel aspect dans l'avenir. Mais c'est le passé qui a surgit lors de terrassement devant l'hôtel Saint-Martin. En effet un des ouvriers apperçut un élément en bois usiné, c'était une casse en bois en trés bon état qui renfermait des conserves dont certaines non ouvertes.

L'emplacement de la découverte.

La caisse en très bon état a été nettoyée.

Une des boites de conserve récupérée dans la caisse.



 


JUIN 1944 - Creully (Creully sur Seulles ) Laver son linge sale avec les libérateurs

Extrait d'un film des actualités Pathé où l'on voit des libérateurs partager la corvée de la lessive avec des creulloises au lavoir de Creully qui se trouve sur le bief de la Seulles au pied du château.




Document : Pathé - Imperial War Museums

Le 25 juin de l'an 2 -Attentat à Villiers le Sec (Creully sur Seulles).

La lecture des délibérations des conseils municipaux me permet de découvrir des faits qui sortent de l'ordinaire.
Nous sommes à Villiers le Sec.




Le 25 juin 1793 l’an 2ème de la République Française, à cinq heures du matin se sont assemblés les maires et officiers municipaux pour constater un attentat commis sur l’arbre de la Liberté. Depuis quinze jours, on avait commencé à le peindre et le décorer pour le planter le jour de la St Jean. La pluie est survenue et nous a obligés de déplacer cette date jusqu’à huit jours. Pendant la nuit du 24 au 25, la pique a été rompue et le bonnet enlevé, cassé et brisé dont plusieurs morceaux ont été trouvés en différents endroits de la paroisse notamment devant la porte de l’église. C’est pourquoi le présent procès-verbal contenant la vérité dans tous les faits en était dressé pour valoir en tous lieux et a été signé après lecture ledit jour et au-dessus. 



Le trente juin mil sept cent quatre-vingt-treize, l’an 2 de la République Française une et indivisible, les maires et officiers municipaux assemblés, s’est présentée Marie Anne, femme de Denis Jeanne qui a déposé sur le bureau environ sept heures et douze du soir un des principaux morceaux du bonnet de la Liberté qui la nuit du 24 au 25 du courant et avait été enlevé de l’arbre, cassé et brisé. Ladite femme interrogée où elle l’avait trouvé, a répondu que ledit jour en se promenant sans aucun dessein dans le pré dit la seigneurie où est placé un colombier appartenant au citoyen Patry, qu’elle avait poussé la porte dudit colombier qui n’était ni barrée ni fermée à clef, et que la porte ouverte elle avait aperçu le bonnet de la Liberté, qu’elle avait pris et déposait comme il est dit ci-dessus.  Interrogée si elle n’avait aucune connaissance soit par ouï-dire soit pour avoir vu des auteurs de cette méchante action a répondu qu’elle n’avait aucune connaissance et de suite le procès-verbal a été dressé et signé les jours et an que dessus en séance publique.
Image réalisée à partir d'une photo aérienne de François Levalet.



Les bannières de l'église St Martin de Creully (Creully sur Seulles).

Le patrimoine d'une église, c'est aussi les "trésors" qu'elle renferme comme les bannières de procession. 
Procession avec des bannières (ce n'est pas à Creully)


Ci-dessus, la bannière de Saint Vital, né à Tierceville, près de Creully, seule présente dans l'église.
Aux archives départementales à Caen, je viens de découvrir des photos de deux bannières de l'église Saint Martin de Creully. Bannières du XIXe siècles en velours et fil d'or.

Saint Martin

La Vierge et l'Enfant terrassant le serpent

Dos de la précédente.

Vierge foulant des roses

Le crocodile de Creully (Creully sur Seulles)


Il y a 167 millions d'années, les mers jurassiques étaient très différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui : en Normandie, des mers chaudes et agitées battaient à l'Ouest les côtes du continent armoricain et s'ouvraient vers le bassin de Paris. L'océan atlantique venait à peine de naître.
Dans les marais côtiers chassaient les grands reptiles et parmi eux "Teleosaurus", un crocodile, dont un cadavre a flotté, puis s'est déposé à Creully.


Sur les fonds sous-marins les plus abrités vivait, sous une eau claire, une faune très abondante pour la plupart aujourd'hui disparus : rhynchonelles et térébratules accrochées sur le fond, encrines aux bras souples et élégants, bryozoaires branchus comme des polypiers...etc
La tête du "Teleosaurus"

Les tempêtes et les courants, détruisant ce que, sans cesse, la vie reconstruisait, réduisaient ces coquilles en petits débris, qui s'accumulaient en un sable calcaire blanc et pur, rapidement consolidé par un ciment de calcite transparente.
Le résultat est "la pierre de Creully", un calcaire coquillier de grain moyen, très peu argileux..
Le Calcaire de Creully surmonte le Calcaire de Caen. Il affleure dans les carrières de Creully (carrière d'Orival sur la commune d'Amblie) et de Reviers au Nord-Ouest de Caen.

Le fils sur les traces de son père, le général de Gaulle, à Creullet (Creully sur Seulles).

 Au château de Creullet à Creully sur Seulles, où son père conféra avec Montgomery, Philippe de Gaulle a pris le temps de bavarder avec les enfants de la localité en juillet 1990.

Archives : R.Lemars

L'épouse du notaire, se souvient de Creully en juin 1944 (Creully sur Seulles)

L'Association des notaires retraités du Calvados a publié en 2014 un bel ouvrage sur le Notariat du Calvados pendant la tourmente de juin 1944 où Madame Fortier, épouse de Maurice Fortier, notaire à Creully exprime ses émotions. (Editions Corlet)

Au 6 juin 1944, Me Maurice FORTIER était titulaire de l'office de CREULLY, commune rurale de 600 habitants.
Madame FORTIER nous a fait, avec beaucoup d'émotion et de précision, le récit des événements qu'elle a vécus :
 " CREULLY est une charmante cité médiévale dont le château fort domine de sa puissance altière la vallée de la Seulles, située à la limite de la plaine de CAEN et du BESSIN, elle a été le point de jonction des Armées Canadienne et Britannique dès le 6 juin 1944.
Après avoir été clerc au Neubourg pendant 8 ans, mon mari avait acquis l'étude de CREULLY en septembre 1938.
Il avait à peine fait connaissance avec sa clientèle, qu'un an après, le 25 août
1939,il fut mobilisé à CAEN où il resta seulement quelques semaines.


Sur le plan notarial, la situation était désastreuse du fait que le principal clerc et le clerc aux actes courants avaient été également mobilisés.
Je restais seule avec un clerc stagiaire.
Me LEMPERIERE Notaire à CAEN fut nommé suppléant de l'office et vint donc à CREULLY une fois par semaine avec un clerc s'occuper de la clientèle.
M'armant de courage, je pris la comptabilité en mains et organisai les rendez-vous pour Me LEMPERIERE.
Le 21 juillet 1940, je reçus une lettre de ma famille me faisant part du décès au front, de mon frère et une autre lettre de la Croix Rouge française m'avertissant que mon mari était prisonnier à COLMAR, à la caserne RAPP.
Aussitôt, je pris l'initiative de le faire évader et le lendemain soit le 22 juillet
1940,je partis pour COLMAR, (plutôt KOLMAR puisque passé en territoire allemand) où, avec la complicité d'Alsaciens sympathiques qui m'avaient pris en amitié (un contrô­leur SNCF et un fonctionnaire de la KOMANDANTUR, ex préfecture du BAS-RHIN), nous avons pu mettre au point, après deux autres voyages à KOLMAR, un plan d'éva­sion qui a réussi, puisqu'en décembre 1940, il passa la ligne de démarcation à travers des barbelés, grâce au concours d'un passeur fourni par des Religieuses d'un couvent et se retrouva à LIMOGES, en France LIBRE.
En juin 1941, il s'enhardit à revenir à CREULLY, prétextant une libération pour cause de maladie.
Muni de faux papiers, et après des visites à monsieur le Procureur, au Président de la Chambre et aux gendarmes de Caen et Creully qui connaissaient l’odyssée de mon mari et le couvraient, Maurice prit un nouveau départ.
Le travail s'étant accumulé, on embaucha deux clercs.
Mon mari se montrait dans CREULLY le moins possible et c'est moi-même qui me rendais à bicyclette à CAEN, une fois par semaine, dans les différentes Administrations.
Nous nous occupions également de confectionner de nombreux colis pour les pri­sonniers.
A la maison qui était comprise dans l'enceinte du château, 4 pièces avaient été réquisitionnées pour loger des officiers allemands.
ET LE GRAND JOUR TANT ATTENDU ARRIVA.
Dès 3 heures 30, le tonnerre des bombardements nous envahit.
L'excitation des Allemands était à son comble.
Nous étions réfugiés dans un abri creusé dans le jardin.
Dès 15 heures, une compagnie de la WINNIPEG RIFFLES, Unité canadienne qui avait débarqué à COURSEULLES et BERNIERES le matin, fait son entrée dans CREULLY et vers 17/18 heures, les Canadiens opérèrent leur jonction avec les Anglais de la 69ème B.I en provenance de VER-SUR-MER et ASNELLES.
CREULLY était définitivement libéré sans trop de dommages. Notre maison, l'é­tude et les archives étaient intacts, mis à part quelques éclats d'obus.
Une trentaine de soldats allemands et Polonais, qui se trouvaient encore au châ­teau, furent faits prisonniers sans résistance.
Ayant camouflé pendant toute la période d'occupation, entre poutre et plancher, un grand drapeau anglais, je le hissais au sommet du monument des anciens combat­tants 1914-1918 implanté devant la maison.
Notre maison était complètement envahie par des réfugiés en provenance de CAEN. Il fallait faire la cuisine pour 25 personnes environ. Personnellement, je fabri­quais des nouilles tous les après-midis.
De son côté, mon mari avait organisé une cantine pour les réfugiés avec l'aide de Monsieur Roger MESNIL, épicier en gros à CREULLY.
L'étude du notaire, sans activité, fut transformée momentanément en Mairie.
Le 8 juin, CREULLY eut l'insigne honneur d'être choisi par le Général B. MONT­GOMERY, chef des armées britanniques, pour y fixer son quartier général.
Il installa sa célèbre roulotte-campement au château de Creullet, (XVIIIe siècle) à l'ombre des arbres du parc, près de la pièce d'eau.
Sir Winston Churchill lui rendit visite le 12 juin, le Général de Gaulle, le 14 juin dans l'après-midi et George VI, roi d'Angleterre, le 16 juin.
C'est donc tout naturellement que la BBC installa, pour plusieurs semaines, ses antennes dans la tour des remparts du château de CREULLY, informant ainsi le monde entier, du déroulement des opérations militaires en cours.
Plusieurs des officiers anglais affectés à ce STUDIO RADIO étaient hébergés dans notre maison qui était dans l'enceinte du château.
 En l'espace de quelques jours, nos lits qui avaient servi aux Allemands, étaient uti­lisés par les Anglais !
Maître Maurice Fortier (1er à gauche) en compagnie du Directeur de la BBC lors du passage de ce dernier à Creully après la Libération





En 1949, le Général MONTGOMERY devenu Maréchal, revint en France présen­ter ses hommages à la châtelaine Madame de DRUVAL.
Mon mari et moi-même fument invités au château pour un dîner intime. Malheureusement, nous n'avions pu y participer pour cause de décès dans la famille, mais nous y fûmes représentés par notre fils Jean-Pierre âgé de 14 ans que l'on voit d'ailleurs sur la photo en compagnie de Madame de DRUVAL et du Maréchal MONTGOMERY.

Jean-Pierre FORTIER (fils de M FORTIER) au château de CREULLET en 1949 entoré de madame de Druval et du maréchal Montgomery

Que de souvenirs !
Par la suite, mon mari devint Maire de CREULLY et Conseiller Général du canton. Il fut aussi Président des Anciens Combattants et des Prisonniers de guerre.
Il décéda en 1982."
Merci à Monsieur Emile Raux, notaire honoraire à Bayeux.